Severine
Erhel
Droit de réponse :
Droit de réponse
1 Avant propos
(à diffuser sur France Inter dans l’émission Secret d’info et sur le site de France info)
Si nous reconnaissons que la liberté de la presse est essentielle à la vitalité démocratique, notamment pour informer sur les modalités de financement de la recherche universitaire française et éclairer la compréhension des positions scientifiques, nous estimons qu’elle doit s’exercer avec rigueur et équité, sans porter atteinte aux libertés académiques, qui constituent elles aussi un fondement de notre démocratie.
Votre article intitulé « Écrans et enfants : quand la recherche publique flirte avec les intérêts privés », publié le 13/06/2025 et votre émission radiophonique intitulée « Écrans éducatifs et sciences cognitives : comment la big tech investit l’école » diffusée le 14/06/2025 installent une logique de soupçon sans l’étayer à l’égard des projets de recherche collaboratifs du laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement et Communication (LP3C) et de ses chercheurs comme Séverine Erhel nommée dans le reportage. Les dispositifs de financement public tels que le Programme d’Investissements d’Avenir (PIA) ou celui de l’Agence nationale de la recherche (ANR) y sont présentés comme le résultat d’une compromission avec les intérêts privés, ce qui traduit une réelle ignorance du sujet. L’approche de Marie Dupin, qui repose sur des insinuations qui nous apparaissent comme manquant de fondements, discrédite les chercheurs engagés dans des travaux rigoureux sur des sujets sensibles comme le numérique éducatif en questionnant leur intégrité scientifique. Le reportage tente aussi de remettre en cause le respect des principes déontologiques de la recherche scientifique. Ce type de traitement nuit gravement à la liberté académique et alimente un climat délétère de défiance, d’autocensure et de disqualification de la parole scientifique au détriment du débat éclairé et de l’intérêt général.
2- Un reportage à charge et des informations erronées
(à diffuser sur le site de France info)
Le reportage Secret d’info diffusé sur le site de France Info dès le 13 juin 2025 et le podcast diffusé sur France Inter le 14 juin 2025, intitulé « Écrans et enfants : quand la recherche publique flirte avec les intérêts privés “ par la journaliste Marie Dupin, constitue, sous couvert d’enquête journalistique, une attaque frontale aux libertés académiques, discréditant l’intégrité scientifique des chercheurs qui prennent part à des projets de recherche collaboratifs associant acteurs publics et privés.
Toute forme de co-financement public-privé y est présentée, comme suspecte, sans que soit apportée la moindre preuve d’un conflit d’intérêt des chercheurs cités et notamment de ceux du laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement et Communication (LP3C). Le fil narratif repose sur une rhétorique d’association de faits pourtant sans lien entre eux. Voici quelques exemples de ces procédés : l’EdTech (technologie de l'éducation) est assimilée à la BigTech (grandes entreprises technologiques mondiales comme Google); les financements collaboratifs de recherche sont mis au même niveau que les investissements directs de Google, Méta et autres Bigtech. Victime du même mécanisme d’association, Séverine Erhel fait l’objet de citations récurrentes qui laissent entendre qu’elle a participé à des projets entretenant une proximité avec des intérêts privés comme Microsoft, ce qui est faux. Cette façon trompeuse de présenter les faits porte atteinte à son intégrité scientifique et jette le discrédit sur ses travaux et sur sa probité académique sans aucune preuve et d'une façon totalement injustifiée.
L’enquête de Marie Dupin pose problème en raison des approximations et des raccourcis cités en exemples ci-dessus, mais aussi des nombreuses erreurs dans les propos tenus, traduisant une profonde méconnaissance des dispositifs nationaux de financement public de la recherche. L’ensemble de l’enquête a été conduite dans une démarche confirmatoire, à charge, sans qu’aucun élément contradictoire n’ait été entendu ou relaté dans le contenu du reportage. Les explications sur le financement propre à la recherche universitaire ont été délibérément écartées. Cela soulève des interrogations sur l’impartialité du traitement journalistique. La construction du podcast et de l’article révèle un parti pris manifeste à commencer par le cadrage.
- Le problème du Cadrage
Le cadre du titre « Écrans et enfants : quand la recherche publique flirte avec les intérêts privés » amène immédiatement des suspicions, renforcées ensuite par un lien inapproprié et fallacieux entre la mort tragique d’une assistante d’éducation et le sujet.
Propos de Marie DUPIN, podcast 1:11 min. “Elisabeth Borne, réagit après la mort d'une assistante d'éducation, poignardée par un élève de 14 ans devant le collège Françoise Dolto à Nogent, en Haute-Marne. Et la ministre pointe notamment du doigt l'impact des écrans sur la santé mentale des plus jeunes. podcast 1 : 11 min”
Sur votre page podcast France Inter, samedi 14 juin 01:26
https://www.lp3c.fr/sites/www.lp3c.fr/files/users/user406/1FI.png
https://www.lp3c.fr/sites/www.lp3c.fr/files/users/user406/2FI.png
- Des erreurs factuelles et des insinuations
Le reportage est également émaillé d’erreurs factuelles et d'omissions, que nous signalons ici :
Propos de Marie DUPIN France Info site web : « Séverine Erhel a elle-même participé à l'un de ces projets, d'environ 3 millions d'euros, financé pour moitié par des subventions publiques et pour moitié par la start-up. Interrogée sur ce point, Séverine Erhel assure ne pas avoir "réellement" participé au projet financé en partie par Script&Go, ce qui, selon elle, explique pourquoi elle ne l'a pas indiqué dans sa déclaration publique d'intérêts... »
Réponse : le montant de 3 M€ renvoie au projet collaboratif ACTIF, auquel Séverine Erhel avait été associée lors de la phase de dépôt. Elle s’en est désengagée ensuite, sa charge de travail (direction du département de psychologie) ne lui permettant pas d’y participer ; son nom n’apparaît donc pas dans les résultats scientifiques du projet expliquant qu’elle n’en ait pas fait mention dans sa déclaration publique d’intérêt réalisées pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). La participation au début du projet ACTIF a été communiquée sur le CV fourni lors de sa nomination à l'ANSES en 2020 et cette information était aussi accessible sur sa page personnelle hébergée sur le site de son université. Suite aux questions adressées directement à l’ANSES par Marie Dupin, sa participation initiale a été examinée par la déontologue de l’ANSES, qui a conclu par courrier officiel qu’il ne s’agissait que d’un lien mineur, non constitutif de conflit d’intérêts. Ces éléments ont été communiqués à la journaliste Marie Dupin, mais sont restitués de façon tronquée, laissant planer un doute infondé sur l’intégrité de la chercheuse.
Séverine Erhel est régulièrement amalgamée au projet INTUISCRIPT, or la consultation de l'équipe de recherche montre, si besoin en était, que Séverine Erhel n'a pas participé à cette recherche. Ce projet a fait l’objet de publication scientifique dans une revue internationale que Séverine Erhel a cité dans son livre “les enfants et les écrans”, ce qui est une pratique ordinaire dans le cadre d'un travail de synthèse scientifique des savoirs.
Propos de Marie DUPIN France Info site web : « Script&Go, qui mène ou a mené au total cinq projets avec le LP3C. Séverine Erhel a elle-même participé à l’un de ces projets, d’environ 3 millions d’euros, financé pour moitié par des subventions publiques et pour moitié par la start-up. »
Réponse : Ce propos est erroné. Concernant les financements publics du projet mentionné (Programmes d’Investissements d’Avenir – PIA – ACTIF), il est essentiel de rappeler que ces dispositifs reposent sur des subventions publiques, allouées par l’État via des opérateurs comme la Caisse des Dépôts ou l’Agence Nationale de la Recherche, et versées aux établissements publics (universités, organismes de recherche). Contrairement à ce qu’insinue le reportage, les entreprises privées partenaires sur des projets collaboratifs publics comme les Programmes d’Investissements d’Avenir ne versent pas d’argent aux laboratoires publics, et ne financent donc pas la recherche académique. Ils reçoivent une subvention au même titre que les autres partenaires publiques et ils mettent des moyens propres (ex : équipement, immobilier, personnels) à disposition qui servent à montrer leur engagement dans le projet. Concernant les chiffres du projet ACTIF, la manière d’avancer le coût du projet est erronée : la subvention publique n'était que de 1,14 million pour 8 partenaires et pour un projet de 5 ans. Les 3 millions correspondent aux coûts globaux englobant la subvention et les moyens propres de tous les partenaires, notamment les académies et universités. Le budget de la société Script&go représentait 16% de ce total.
Ces partenariats ne relèvent en rien d’une pratique dissimulée ou exceptionnelle : ils sont au contraire fréquents, encadrés juridiquement, éthiquement, et régulièrement évalués. Ils ont pour vocation de répondre à des enjeux sociétaux en permettant un cofinancement public de projets dans lesquels les chercheurs conservent une pleine indépendance méthodologique et scientifique. Assimiler ces chercheurs à de simples relais ou « idiots utiles » des intérêts privés est non seulement inexact, mais profondément méprisant à l’égard du travail rigoureux mené dans ces cadres.
Propos de Marie DUPIN France inter Podcast 29:59 :“Et cette application développée donc grâce à de l'argent public, est-ce que ça aide vraiment les enfants à apprendre à écrire? Alors, pour répondre à cette question, des chercheurs du laboratoire de Séverine Erhel ont mené une expérimentation sur des centaines d'élèves de maternelles en France. Un groupe d'enfants passait des tests d'écriture sur tablette, l'autre sur papier. Résultat, Kaligo n'aiderait que les élèves moyens, ni les bons, ni les mauvais…”
Réponse : Les projets de recherche publics n’ont pas pour vocation de produire des résultats « rentables » au sens économique du terme. Leur finalité première est de répondre à des enjeux sociétaux complexes. C’est notamment le cas des travaux menés au sein du LP3C, qui portent sur les besoins spécifiques des enfants, la prévention du décrochage scolaire ou encore la réduction des inégalités éducatives. Ces recherches s’inscrivent dans une logique de service public et de contribution au bien commun, bien loin d’une logique de profit.
Les résultats de l’étude montrent que le fait d’utiliser l’application pendant 20 mn par semaine 1) ne provoque aucun effet négatif et 2) permet aux élèves de niveau moyen de progresser plus qu’un enseignement traditionnel sans l’application. L’étude démontre donc de manière objective et rigoureuse un effet limité de l’application.
Propos de Marie DUPIN France Info site web “Derrière l’entreprise Script&Go, on retrouve, une nouvelle fois, un membre des GAFAM. En effet, selon les documents techniques de l’appel d’offres, datés de 2015, le projet partenaire industriel Microsoft. ".
Réponse : Cette information est erronée. Le passage concernant Microsoft est utilisé pour suggérer à tort que l’entreprise aurait été directement impliquée dans le projet INTUISCRIPT ou présente au sein du LP3C. En réalité, le projet INTUISCRIPT était porté par l’IRISA, sans que le LP3C n’en soit partenaire. Toutefois, certains chercheurs du LP3C y ont participé via une plateforme de recherche mais pas Séverine Erhel.
Concernant la mention de Microsoft dans le projet, il s’agissait uniquement d’une demande d’assistance technique de la part Script&Go à l’entreprise Microsoft, sans aucune contrepartie financière, visant à garantir la compatibilité du moteur de reconnaissance d’écriture développé par la société avec les mises à jour des tablettes Windows.
Propos de Marie DUPIN France Info site web “Dans ces documents, on découvre également que 1000 élèves de maternelle ont passé des tests sur tablettes, dans des salles Microsoft, en présence d'ingénieurs. »
Réponse : L’enquête avance également, à tort, que des tests auraient été réalisés dans des salles immersives appartenant à Microsoft. Ces tests, menés il y a plus de 10 ans, se sont déroulés dans une salle financée par la région Bretagne au sein du pôle universitaire numérique Rennes Beaulieu. Les tests d'évaluation de l'application ont été réalisés en toute indépendance par la plateforme de recherche Loustic financée pour cette opération par la région Bretagne.
Propos de Marie DUPIN France Inter Podcast 35:00: “Interrogé, le ministère de l'Education nationale rappelle que "l'utilisation d'équipement individuel est proscrite à l'école maternelle", et qu'elle n'est "ni souhaitable, ni nécessaire" en primaire »
Réponse : Cette phrase suggère que le numérique est interdit à la maternelle ce qui est erroné. Voici un extrait des programmes en vigueur à la rentrée 2025, « Ils utilisent des outils numériques : dès leur plus jeune âge, les enfants sont en contact avec les nouvelles technologies. Le rôle de l’école est de leur donner des repères pour en comprendre l’utilité et commencer à les utiliser de manière adaptée (tablette numérique, ordinateur, appareil photo numérique…). ». Programme de l’école maternelle (Cycle 1, BOEN n°25 du 24 juin 2021), rubrique 5.2 – Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière.
La direction du laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement et Communication (LP3C)
Séverine Erhel, MCF HDR en Psychologie Cognitive et Ergonomie, Membre du LP3C
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