Contexte
Les compétences collaboratives
Aujourd’hui, le travail requiert des salariés hautement qualifiés pour réaliser des tâches de plus en plus complexes, le plus souvent en équipe, dans des environnements en mutation permanente qui demandent une adaptabilité de la part des salariés. A côté des compétences techniques exigées chez les salariés (« hard skills »), on constate l’importance croissante des compétences non techniques (compétences transversales, compétences sociales ou « softs skills ») sur l’employabilité des jeunes et leur réussite professionnelle. Parmi celles-ci, on trouve les compétences au travail en équipe pour créer, innover, résoudre des problèmes, et prendre des décisions de manière collective. La question de l’acquisition et de la mesure de ces compétences apparaît comme un enjeu majeur dans le cadre de la formation des jeunes pour leur intégration sur le marché de l’emploi, mais aussi le maintien de l’employabilité des salariés tout au long de leur carrière. Face à ces enjeux, les dispositifs de formation mis en place pour favoriser le développement de ces compétences se sont multipliés ces dernières années. Malgré un engouement pour les dispositifs et outils de formation aux compétences non techniques (jeux sérieux, escape-game, Legos serious play®, pédagogie par projet, team-building, etc.), la conception et l’évaluation de l’efficacité de ces dispositifs ne reposent pas sur des fondements scientifiques solides et empiriquement testés permettant de s’assurer de leur développement. Il y a donc un enjeu à valider scientifiquement les interventions destinées à favoriser le développement de ces compétences, et plus particulièrement la compétence à collaborer et travailler en équipe.
S'entraîner pour réussir ensemble
Une façon d'améliorer le travail d'équipe est de mettre en œuvre des « Interventions au service du Développement des Équipes » (IDE ; Lacerenza et al., 2018 ; Shuffler et al., 2020). Ces IDE prennent la forme d’activités systématiques visant à améliorer les compétences, les processus et l'efficacité globale de l'équipe. Quatre types d'IDE sont généralement répertoriées : (1) la formation au travail d’équipe (“team-training”), (2) la formation au leadership (“team leadership”), (3) la formation/consolidation d'une équipe (“team building”), et (4) le débriefing d'équipe (“team-debriefing”). L'efficacité des IDE a été prouvée dans de nombreux secteurs d’activité, et les méthodes utilisées sont applicables dans une large variété de contextes comme l'éducation et la formation (Cherbonnier et al., 2024), la sécurité (Cotard & Michinov, 2018), ou la santé (Salas et al., 2018). Les méthodes d’entraînement au travail d’équipe augmenteraient les compétences collaboratives des membres, et jusqu’à 10 à 20% des performances des équipes (e.g., Littlepage et al. 2016 ; Salas et al., 2007). Pour cela, un certain nombre de conditions sont requises. Les séances de formation qui reposent sur l’entraînement à un travail en équipe seraient efficaces notamment lorsqu’il y a un guidage des apprenants pendant l’activité de collaboration (Hémon et al., 2024), un feed-back formatif sécurisant et non évaluatif est donné à l’issue de l’activité, et un débriefing réalisé par un formateur qui mobilise des connaissances sur les processus de groupe est mis en œuvre.
Objectifs du projet
Ce projet a pour objectif de concevoir et évaluer l’efficacité d’un outil numérique d’entraînement au travail en équipe sur le développement des compétences collaboratives utilisable en présentiel et/ou à distance. Il s’adresse aux publics en formation initiale et en formation continue.
Le programme de recherches menées sur différents terrains d’études (lycées, universités, écoles d’ingénieurs, …) devra permettre de répondre à trois questions :
1) comment accompagner/guider les apprenants pendant les activités collaboratives pour favoriser des processus d’équipe efficaces au service du développement de compétences collaboratives ?
2) quels types de feed-back faut-il délivrer aux apprenants après une séance de travail en équipe pour conduire des séances de débriefing susceptibles de faciliter le développement de ces compétences (Thèse d’Albane PECHARD) ?
3) peut-on utiliser l'Intelligence Artificielle pour donner aux apprenants des conseils adaptés et au bon moment dans un travail en équipe (Thèse de Zineddine ZAHOUANI) ?
Aperçu de l’organisation d’une séance d’entraînement pour une équipe d’apprenants
Partenariat
Ce projet comporte des défis technologiques et scientifiques et implique des connaissances scientifiques issues des sciences informatiques, de la psychologie des facteurs humains et de l’ergonomie. Le consortium unit des équipes de recherche issues de laboratoires spécialisés dans ces domaines (LP3C, LIMOS). Ces équipes ont déjà collaboré précédemment dans le cadre d’autres programmes de recherche, notamment dans le cadre du projet PIA ProFAN.
Le LP3C (Laboratoire de Psychologie : Cognition, Comportement, Communication) est une équipe de recherche en psychologie dont un des axes concerne les performances et apprentissages des individus et des équipes notamment dans les environnements numériques (Axe 3 : « Performances, socio-performances et apprentissages »).
Le LIMOS (Laboratoire d’Informatique, de Modélisation et d’Optimisation des Systèmes, UMR CNRS 6158) est une unité mixte de recherche ayant pour tutelles le CNRS, l’Université Clermont Auvergne et l’école des Mines de Saint-Etienne. L’équipe DSI (Données, Services, Intelligence) du LIMOS, impliquée dans ce projet, développe des activités de recherche dans le domaine de la gestion de grandes masses données et de connaissances, la qualité des données ainsi que l’Intelligence artificielle et l’apprentissage automatique à partir des données.
La plateforme numérique d’entraînement aux compétences collaboratives se fera aussi en partenariat avec les acteurs du monde de l’éducation et de la formation professionnelle, notamment à travers la réalisation de tests utilisateurs et d’expérimentations avec des lycées de l’académie de Rennes pour les premières expérimentations, puis ceux d’autres académies (10 établissements au total). Des partenariats avec d’autres structures de formation (universités, écoles ingénieurs, AFPA, IFSI, etc.) sont envisagées pour la mise en place d’études auprès de différentes populations (lycéens, étudiants, apprentis, salariés, …) et dans des situations pédagogiques variées.
Chercheurs, ingénieurs et doctorants impliqués
Nicolas Michinov, Estelle Michinov, Éric Jamet, Albane Péchard, Anthony Cherbonnier, Justine Bulteau
LP3C (Laboratoire de Psychologie : Cognition, Comportement, Communication, Univ Rennes 2).
Farouk Toumani, Marinette Bouet, Lise Demourgues, Zineddine Zahouani, Stéphane Guillet, Vincent Mazenod
LIMOS (Laboratoire d'Informatique, de Modélisation et d'Optimisation des Systèmes, Université Clermont Auvergne).