La transition numérique est enclenchée dans le domaine de l’éducation. Elle s’illustre sur le plan institutionnel avec le Plan Numérique pour l’Éducation de 2015, mais aussi de manière concrète à travers des mutations dans les pratiques enseignantes. La pandémie de la Covid- 19 a accéléré cette transition en obligeant les enseignants à donner leurs cours à distance à l’aide d’outils numériques.

L’utilisation d’outils numériques constitue une opportunité notamment en permettant une plus grande flexibilité dans l’apprentissage (Bollinger & Martin, 2018). Cependant, un certain nombre de limites sont à souligner. L’utilisation de ces outils a un impact sur l’état émotionnel et les comportements d’apprentissage des apprenant·e·s. Des études ont montré une augmentation de l’anxiété (Abdous, 2019) et un sentiment d’isolement (Zembylas, 2008) chez des apprenant·e·s en situation d’apprentissage via des outils numériques. De plus, d’autres études (Wong, 2020 ; Müller et al., 2021) ont mis en évidence des problèmes d’attention et de motivation chez les étudiants·e·s suivant des cours à distance durant la pandémie de la COVID-19. Des méta-analyses soulignent l’importance d’approfondir l’étude des émotions (Loderer, Pekrun & Lester, 2018) et de l’engagement (Bond, 2020) dans des situations d’apprentissage via des outils numériques.

L’ajout d’éléments humoristiques dans les environnements numériques d’apprentissage pourrait être une piste afin d’améliorer l’engagement, les émotions positives et l’apprentissage des étudiant·e·s. L’humour peut être définit selon Martin & Ford (2018) comme «un phénomène large et multidimensionnel qui représente tout ce que des personnes font ou disent et qui sont perçues par les autres comme étant drôles et qui tendent à les faire rire » (p.16). Il n’y a pas de conclusions claires quant à l’efficacité des éléments humoristiques dans des contenus pédagogiques (Banas et al., 2011). Certaines études montrent que l’humour favorise l’apprentissage en augmentant l’intérêt et l’attention des étudiant·e·s (Gorham & Christophel, 1990). Des travaux expérimentaux confirment l’effet positif de l’introduction d’éléments humoristiques sur la mémorisation, l’apprentissage et la réduction de l’anxiété des étudiant·e·s (Çelik, & Gündoğdu, 2016) mais d’autres l’infirment, démontrant même que cela a un effet négatif en agissant comme un distracteur des éléments fondamentaux pour l’apprentissage (Bolkan & al., 2018). Wanzer, Frymier et Irwin (2010) proposent une théorie du traitement de l’humour pédagogique qui postule que l’humour a un effet positif sur la mémorisation et l’apprentissage seulement sous certaines conditions. En effet, selon la théorie de l’incongruité (Suls, 1972), l’humour émerge de la résolution d’une incongruité. Cette résolution de l’incongruité implique le déclenchement de processus cognitifs qui traitent en profondeur l’information humoristique. Cependant, ce processus de compréhension de l’humour n’a un effet positif sur l’apprentissage qu’à plusieurs conditions. Il faut tout d’abord que l’humour soit en lien avec le contenu du cours (Wanzer & al, 2010) : c’est en traitant l’information humoristique que l’apprenant·e traite également plus en profondeur des éléments clés pour son apprentissage. Ainsi, l’humour ne détourne par l’attention de l’apprenant·e du contenu pédagogique mais au contraire le·la mobilise sur la tâche d’apprentissage. De plus, il faut que l’humour soit approprié dans un contexte pédagogique (i.e., non agressif ou orienté envers une personne ou un groupe de personnes, blagues racistes ou sexistes) afin d’influencer positivement la réponse affective des apprenant·e·s. Le type d’humour employé (Banas et al., 2011), l’adéquation du contenu humoristique avec les objectifs pédagogiques (Wanzer & al., 2010), les attentes des élèves (Frymier & Weser, 2001), les caractéristiques intra-individuelles et inter-individuelles des élèves (Bolkan & al., 2018) forment un ensemble de variables larges dont il paraît important de comprendre leurs relations.

L’enjeu de cette thèse est d’étudier l’impact de l’ajout de dessins humoristiques dans un environnement numérique d’apprentissage sur l’apprentissage, les émotions et l’engagement des étudiante·s.